Chapter IV - stay with me

Syu verrouille son téléphone, le sourire aux lèvres. Elle sent son petit coeur faire des loopings de joie et d'excitation dans sa poitrine. Elle ne s'attendait pas à une telle nouvelle alors, elle n'a pas su quoi faire en sortant, encore sous le choc de leur annonce. Un poste à l'université Yonsei, une des plus prestigieuses de Corée du Sud. Elle a postulé quelques semaines auparavant, sous l'impulsion de London qui avait miraculeusement réussie à la convaincre de tenter sa chance. Qu'est-ce que ça coûte ? Effectivement, elle avait raison. Il lui fallait juste prendre son courage à deux mains et envoyer un CV. Puis, tout était allé très vite. L'appel pour la convier à un entretien oral, l'entretien lui-même, la convocation officielle. A ce moment-là, elle avait rappelé London en panique en lui demandant pourquoi elle avait été à nouveau convoquée après cet entretien. Peut-être avait-elle fait une erreur offensante. London s'était contentée de lui rire au nez sans lui répondre. Nous avons décidé de vous offrir le poste d'enseignante d'anglais. Votre classe est une classe de première année, vous les rencontrerez la semaine prochaine. Tout le reste s'est déroulé en un éclair. Elle n'a pas vraiment compris comment elle s'est retrouvée plantée sur les marches de l'escalier extérieur de l'université, serrant son dossier contenant son contrat d'embauche contre sa poitrine.

Tout ce qu'elle sait, c'est qu'elle a quand même envoyé un message à Jae, lui demandant de venir la chercher pour qu'il fête son nouveau travail — beaucoup mieux payé, cela va de soi, c'est même surtout pour ça qu'elle a été convaincue de postuler en premier lieu — et qu'il a accepté sans se faire prier. Mine de rien, ces derniers temps surtout, elle a remarqué beaucoup de changements dans le comportement de celui-ci. Ce sont des changements infimes et presque imperceptibles mais Syu, qui a repris l'habitude de vivre avec lui, n'a eu aucun mal à les distinguer et à démarquer les efforts qu'il faisait pour elle.

Alors qu'elle longe les marches avec appréhension, car toujours choquée par la nouvelle qu'elle vient d'apprendre, elle se rend compte soudain que quelqu'un lui fait face. Quelqu'un qui serait bien plus grand qu'elle si elle n'était pas deux marches plus haut que lui. Son visage s'illumine d'un sourire éblouissant. Grincheux ! Le surnom est parti tout seul, alors qu'elle se promettait de le garder pour le privé. Car appeler son petit ami grincheux en public n'est pas forcément mignon. Un rire lui échappe tandis qu'elle lève les bras vers le ciel en signe de victoire et se penche pour les enrouler autour de son cou. T'es fier de ta blonde ? demande-t-elle avant de redresser la tête pour le regarder de profil.

Il sent foutrement bon, ce vieux grincheux, se dit-elle alors qu’elle est suffisamment proche de lui pour le sentir. S’il a pris une douche, c’est soit qu’il voulait se faire tout beau – mais il n’en a pas besoin, sauf qu’elle ne le lui dira pas, faudrait pas qu’il prenne trop la confiance – soit qu’il était à la salle de boxe, ce qui parait un peu plus logique, venant de cet énergumène. Syu s’est un peu affalée sur lui en voulant l’enlacer, elle s’en rend compte à présent, qu’elle se demande comment elle fera à se redresser sans rater une marche et se foutre en l’air. Bien. Position risquée, à retenir. Heureusement qu’il n’essaye pas de lui faire le coup de te lâcher, car elle finira la tête dans le trottoir à coup sûr. Il est devenu très taquin, récemment, la jeune femme n’a pas manqué de le remarquer en silence. Elle n’irait pas jusqu’à dire qu’il est totalement heureux, mais il est joyeux au quotidien – même si ça ne l’empêche pas de râler et de faire la gueule les trois quarts du temps. On ne se refait pas.

Tu oublies que pour ma catégorie, c’est miss Planche à Pain. Elle relève la tête pour le regarder, mourant d’envie de l’embrasser. Mais pas en public. Ni elle ni lui n’en sont particulièrement fan. N’empêche que je me demande pourquoi on appelle ça miss Univers… Remarque, si un jour on voit débarquer deux filles bleues et une verte, on se demandera plus pourquoi. Très classe comme façon de s’exprimer, on le lui a déjà reproché, mais avec Jae, elle n’a pas de filtre. Ou presque. Elle ne lui dit pas qu’elle l’aime. Bon ça va, ça fait quatorze ans. Depuis le temps, il devrait l’avoir compris. Mais elle n’ose toujours pas. Pas qu’elle doute de lui, mais elle a surtout peur de le faire fuir en courant. De toute façon, ils n’ont pas vraiment besoin de se dire « je t’aime ». Ils ont d’autres moyens de se le montrer. Jae… Tu saignes du nez, un peu… Comme celui-ci. Elle ricane gentiment et appuie brièvement son doigt au creux de la joue du jeune homme.

Syu a tôt fait de se remettre sur pieds et de lisser sa robe noire. Elle a mis pour l’occasion une robe noire et parme façon pin-up des années 50. Vu la réaction du proviseur de l’université, pas sûr qu’il ait apprécié cette tenue, mais il n’en a pas pipé mot et ne l’a pas sanctionnée. Elle descend alors les deux dernières marches qui les séparaient et doit lever la tête pour le regarder. Elle qui d’ordinaire se sent plutôt grande par rapport à la moyenne des coréennes se sent minuscule face à lui. Seigneur. Dire qu’à l’époque, il était à peine plus grand qu’elle. Il fait beau, là-haut ? se moque-t-elle, puis elle glisse discrètement une main dans la sienne. Mmmh, je sais pas toi mais j’ai envie d’un burger… Avec des frites dégoulinantes de fromage. Comme pour répondre à sa proposition, son estomac grogne de manière très peu féminine. En réalité, elle ment. Il y a un autre endroit où elle aimerait aller, mais il est trop loin et elle est beaucoup trop faim. Et si tu as le malheur de me parler de maillot de bain, tu te contenteras d’une salade. Elle le menace, incapable de retenir son rire, en remuant un doigt dans sa direction.

Tu n'es pas le genre de gars très futé malgré ce qu'on laisse entendre à ton sujet. Tu es malin en affaire et sérieux, mais quand il est question d'humour, tu as quelques leçon à rattraper... Malgré tes efforts, par moments, tu es complètement largué et ne parvient pas à comprendre les blagues d'autrui. Pourquoi parle t-elle de bonhomme bleus et verts ? Cette réflexion a le don de te perdre, limite tu es désormais à des kilomètres, essayant en vain de comprendre ce qu'elle a bien pu vouloir dire.

Mais tu restes muet. Hors de question de t'afficher une nouvelle fois. Tu gardes cet air blasé, incrédule qui te caractérise. En réalité tu as envie de rire, parce que la situation est bien trop stupide pour rester de marbre, mais ce serait trahir ton incompréhension... Mais tu profites d'une ouverture lorsque Syu te fait une remarque sur ton nez qui saigne que tu laisses échapper ce petit rire discret qui n'est plus si rare désormais.

Vous êtes prêt à partir, maintenant que madame a enfin défroissé sa robe. Tu es étonné qu'elle se soit présentée avec cette tenue pour son premier jour, mais soit : le culot permet de retirer le balais dans le cul de certains. Tu es rassuré à l'idée de te dire qu'elle sera à l'aise et n'aura pas de rôle à jouer auprès des étudiants... Parlant des étudiants... Tu guètes autour de vous si tu vois des garçons au regard légèrement baladeur derrière tes lunettes noires, tandis que Syu te parle d'un plat très peu sain. T'es sérieuse ? Dis-tu sans vraiment lâcher les alentours du coin de l'oeil. Aigoooo... Soupire tu presque déçu de ne pas être surpris. Tu m'aurais dit "Jae, emmène moi à Lotte World", j'aurais fait, mais... Bon ok, va pour le repas bien grassouillet avant l'été. Enfin dans un sens tu es soulagé de ne pas avoir à te rendre la bas, alors tandis qu'elle secoue son doigt, tu lève les clés qui se cachaient au fond de ta poche. Ton carrosse t'attend, Cendrillon. Tandis que vos mains sont liées, tu lui montre d'un geste de la tête la direction pour trouver ton véhicule. Avant de vous mettre en marche, tu souhaites néanmoins insister sur un point. Ma proposition s'arrête à minuit ce soir pour info. Donc ça veux dire qu'elle peut même t'emmener faire du shopping après les frites, ça te va.

Qu’il est étrange parfois, ce garçon, mais c’est ça qui a eu le don de plaire à Syu la première fois qu’elle l’a vu. Et du haut de ses maintenant vingt-huit ans, elle se revoit rougir comme une tomate la première fois qu’elle l’a vu. C’était presque exactement quatorze ans plus tôt. La réalisation lui donne le vertige. Quatorze ans. Non seulement ils ont bien vieilli mais ce qui la frappe surtout, c’est qu’ils sont toujours ensemble après tout ce temps. Certes, ils ont passé sept ans sans se voir mais finalement, ils sont de nouveau ensemble et Syu se complait à croire qu’il n’y a bien que ça qui compte. Seraient-ils destinés à rester ensemble pour toujours ? Un petit soupire lui échappe. Ce serait beau.

La jeune femme a un petit sursaut d’excitation en l’entendant parler du Lotte World. Elle aurait tellement voulu l’y emmener, étant une grande enfant dans sa tête, mais s’était retenue de le lui demander car … Et pourtant. Son sourire est resplendissant. Trop tard, Jae. Pas besoin d’essayer de te défiler à présent. Attends, attends, charmant petite souris. Son ton est intéressé mais très léger alors qu’elle ramène Jae vers elle pour passer ses bras autour de sa nuque. Sans attendre de savoir si des gens les observe, elle se hisse sur la pointe des pieds pour effleurer les lèvres de son petit ami, caressant doucement l'arrière de sa nuque. Je ne pensais pas que tu accepterais de m'emmener au Lotte World. Mais je suis pour ! Tu sais que c'est peut-être encore plus grassouillet que des frites, mh ? Elle tapote son torse pour le taquiner et hoche la tête. Va pour le Lotte World et après... Après il faudra que tu me fasses confiance. Si on se débrouille bien, on a tout notre temps jusqu'à minuit. Elle ricane joyeusement et en profiter pour lui prendre les clés entre les doigts avant de reprendre sa main.

Aller, Charmant, on va chercher la citrouille ? Enfin, je veux dire le carrosse ? Elle lui tire la langue et sautille dans ses ballerines jusqu'à la voiture, traversant la route comme un papillon et manquant au passage de se faire renverser par une voiture. Elle déverrouille la berline noire et s'y engouffre, attendant son chauffeur d'une soirée.

Et il arrive, ledit chauffeur. Son beau chauffeur. Syu profite qu'il ne soit pas encore entrer dans l'habitacle de la voiture pour glousser avec bonheur. Elle se sent comme une gamine et c'est bien pour ça qu'elle s'en empêche quand ils sont ensemble mais de temps à autres, elle ne peut s'empêcher de le dévisager de longues secondes avec un plaisir apparent. Enfin, il la rejoint. Avant même qu'il démarre le moteur, elle passe un bras autour de ses épaules et se penche vers lui pour lui voler un baiser, profitant de la noirceur des vitres de la voiture pour se laisser aller à un peu plus de langueur. Tu es quand même heureux ? lui demande-t-elle alors en s'écartant légèrement pour le laisser respirer et se rassoir correctement dans le siège passager.

Tu aurais mieux fait de te taire, imbécile. Parfois, tu ne réfléchi pas aux conséquences de tes paroles et là, c'est le serpent qui se mord la queue ! Tu t'es fait avoir ! Félicitations. Peut-être serait-il temps de te facepalm ? Non. Pas en publique. Malgré tout, cette idée d'aller au Lotte World te fait sourire plus que tu ne le pensais. Eh ouais, ton rêve d'ado, celui d'emmener une fille là bas, tu te souviens ? Et cette fille à la base, c'était Syu, mais t'as jamais eu vraiment le temps... Vous avez beaucoup de choses à rattraper en ce moment, mais tu es du genre à imaginer que, contrairement à avant, vous avez tout le temps qu'il faut devant vous... Mais à condition de faire les choses bien... Alors, tandis qu'elle saisit tes clés, tu hausses les épaules en ricanant avec elle discrètement. Puis, voilà que tu l'écoute critiquer ton véhicule (la comparer à une citrouille, après le mal donné pour négocier le prix) et surtout, tu ne quitte pas cet air consterné lorsqu'elle te tire la langue. Sale gosse.

En quoi Lotte c'est "grassouillet" ? Lâche tu en tentant de lui claquer ta main sur les fesses, mais la bougre a déjà filer. Trop tard. La consternation laisse place à la déception, et en plus Syu était tellement absorbée à l'idée de rejoindre ton bébé qu'elle ne s'est même pas rendu compte de l'action que tu as tenté pour punir cette insolente créature.

Bref, une fois que tu es installé au volant du véhicule, ta déception n'a pas quitté ton visage. Alors que Syu prend les devant, tu t'arrange à garder cet air de chien battu tout du long, sans prendre la peine de la regarder histoire de bien faire le type vexé. Un peu déçu qu'elle s'éloigne aussi vite, mais c'est le jeu ma pauvre lucette ! Lorsqu'elle te demande si tu es heureux, tu te retient de rire à cette question sortie de nulle part (rien d'étonnant de la part de Syu, mh.) Ton visage figé se tourne vers elle. Tes paupières sont particulièrement lourde et ton absence de sourire est carrément explicite. J'ai l'air d'un gars heureux là ? Puis, sans attendre, ta main tente une nouvelle action et réussi cette fois à pincer la joue de Syu pour la secouer gentiment avant que tu n'éclate de rire (ou du moins, un semblant hein, faut pas abuser).

Bon. On y va. Lâche tu en tournant les clés pour démarrer. En quelques minutes vous serez au restaurant préféré de Syu pour ce type de repas... Encore faut-il ne pas tomber en panne ou renverser un sanglier sur la route.

Syu se perd dans l'observation des traits anguleux de son petit ami. Sa mâchoire carrée, son regard plus que blasé et impassible. En secret, elle aime tout particulièrement son air sévère et distant. Quand il prend cet air, il serre la mâchoire et ses os deviennent plus saillants, ses sourcils se froncent légèrement et ses lèvres pincées n'en sont que beaucoup plus tentantes. C'est ce moment de faiblesse qui perd la blondie. Elle cède à la tentation et se penche à nouveau pour presser leurs lèvres les unes contre les autres mais se retire rapidement quand il lui pince la joue et la tire, lâchant un petit cri de surprise mais pas de douleur. Yah ! Douchebag... Elle fait la moue comme une petite fille punie par ses parents et se masse la joue. Plus de baisers pour lui. Il a gagné.

Elle se rassoit dans le siège passager et boucle sa ceinture avant d'aplatir sa main sur la cuisse de son petit ami et lui tire la langue. Sale morveux. Grincheux. Garfield. N'est jamais content, n'aime jamais rien... Sauf elle ? Tandis qu'il conduit, elle lui jette un regard interrogateur qu'il ne remarque pas. L'aime-t-il ? La reine des questions hasardeuses se tâte à lui poser cette question mais elle s'en empêche. Il risque de moyennement l'apprécier et de croire qu'elle doute de lui. Elle secoue la tête et se contente de sourire toute seule, comme une imbécile heureuse. Lentement, sa main va chercher celle de Jae. Elle a juste besoin qu'il la tienne d'une manière ou d'une autre. Quand il est présent, elle a beaucoup de mal à ne pas le toucher. Peu importe comment, qu'ils soient main dans la main, épaule contre épaule ou assis face à face avec leurs genoux s'effleurant, elle a besoin de son contact. T'as l'air d'un gars heureux, oui. répond-elle simplement avant de ricaner. Et je suis assez fière de moi, sur ce coup-là. Il aurait beau essayer de lui faire croire qu'elle n'y est absolument pour rien, elle n'arrivera pas à le croire. Elle ne veut pas se jeter des fleurs. C'est surtout lui qui a fait les efforts et pas elle. Elle s'est contentée d'être elle-même, toujours aussi joyeuse — voire même beaucoup plus qu'avant — et pétillante, bavarde également. Quant à Jae, il semble égal à lui-même mais il ne l'est pas.

Tu étais à la boxe quand je t'ai appelé ? Tu sais, Shin Bom commence à me demander de venir avec toi... Elle lui jette un petit regard en coin avec un sourire. Le souvenir de leur dispute ayant dégénéré à cause d'une petite remarque de Jae est encore très présent dans l'esprit de la jeune femme, et peut-être pas uniquement d'elle. Ça te plairait de lui apprendre à boxer ?

Saint jesus. Que quelqu'un contrôle cette femme qui ne se fatigue jamais en ta compagnie. Toi, heureux ? Peut-être, il faut dire que contrairement à la douce, tu n'es pas du tout du genre à te poser ce genre de questions. Tu n'aimes pas les questions. Tu préfères les actions - et c'est d'ailleurs pour ça que, malgré ta ligne, tu vas manger un burger.

C'est pas grave. Inconsciemment tu lèves les yeux au ciel. Il faudra taper plus fort dans le sac pour évacuer toute cette graisse, ou aller courir demain matin, ou aller bosser à pied... Non. Jamais l'option 3. Je suis toujours à la boxe quand tu m'appelles. C'est mon boulot à mi-temps... On a tendance à l'oublier, mais c'est le seul truc qui soit un tant soit peu intéressant à faire de vous les jobs que j'ai pu avoir. Dieu. tu as dit plus qu'une phrase. Le déluge est proche. Tu profites de l'arrêt à un feu pour tourner la tête et fixer la jeune femme. Shin Bom veut venir à la boxe. Un sourire en coin se dessine sur tes lèvres. Non. Rien. Tu secoues la tête pour refuser cette idée. Malgré le regard de Syu, tu t'obstines à ne rien dire, parce que tu sais qu'elle va te tuer si tu le lui dit... Mais il faut dire - et avouer - qu'une femme a les moyens de te faire parler.

Faible. Faiblesse. Petite bite. Un léger soupire, tu capitules bien vite sans même que Syu n'ai à lever le petit doigt. Lorsque le feu passe au vert, tu glisse doucement. Oui. Il ferait une bonne cible pour m'entraîner. Du coin de l'oeil tu guètes la réaction de la maman du petit, avant de rire bêtement à ta propre réflexion. Quoi que, j'imagine plus Shin Bom me courir après pour me bastoner que l'inverse. Il a de la poigne, quand vous jouez à la bagarre tu t'es retrouvé plus d'une fois avec un bleu sur les cuisses... Et à chaque fois tu dois te justifier auprès des collègues qui le remarque, parce que forcément tu fais ton sport en short. C'est tellement viril. Enfin bref. Toi aussi tu pourrais apprendre. Tu marques une pause, le temps de lever les bras au ciel face au crétin qui conduit comme un pied devant toi. On sait jamais si un étudiant essai de t'agresser, tu pourrais le surprendre. MAIS AVANCE ABRUTI. Le klaxonne. Faut dire la patience au volant, c'est pas ton fort. Heureusement que vous n'êtes qu'à deux rues maintenant.

Qu'il peut être terrible. Il prétend avoir laissé le passé derrière lui mais il est plus que visible que ce même passé le hante et l'handicape. Si Syu a tourné la page une bonne fois pour toute, ça ne semble pas être son cas, mais la jeune femme a appris à passer outre et à ne pas aborder le sujet au risque de déclencher une de leurs explosives disputes. Elle se contente de hausser les épaules. Ce n'est pas comme s'il n'appréciait pas la boxe, surtout quand Shin Bom s'amuse à venir le frapper dans les cuisses parce que pour l'instant, s'il le frappe plus haut, il risque d'avoir beaucoup trop mal. Je t'ai jamais vu boxer. Ça pourrait être intéressant... marmonne-t-elle, plus à l'attention de sa personne que de Jae tandis que ses yeux se perdent dans le vide d'un imaginaire qu'elle connait à nouveau quelques soirs par semaine. Profiter, après avoir couché Shin Bom, d'un bon film ou d'un temps calme contre lui alors que la nuit est tombée sur la ville et qu'ils se retrouvent enveloppés dans leur intimité. Dans ces moments-là, recroquevillée contre lui, elle se dit qu'elle a bien de la chance.

Ils doivent avoir l'air beaux à se sourire comme deux andouilles, même pas pour les mêmes raisons, même si les taquineries de Jae sonnent comme des mots d'amour. Et tu me dis ça juste quand je peux pas te frapper au risque d'avoir un accident ? Aish ! Elle lève les yeux au ciel avant de le rejoindre dans son petit rire niais. Eh. Les bleus sur les cuisses, c'est pas Shin Bom. Elle lui adresse un sourire taquin et entendu. Il n'est apparemment pas très classe pour une coréenne d'avoir ce genre de sous-entendus, mais peu lui importe. Elle préfère nettement être elle-même, quitte à choquer les gens. Au moins, elle est sûre de ne pas choquer Jae.

Se mettre à la boxe. Impossible de s'en cacher, Syu y a souvent pensé, surtout par goût personnel. La danse est sa passion mais la boxe l'a toujours attirée, plus que d'autres sports de combats et arts martiaux. Elle hoche lentement la tête mais c'est le cri de Jae qui la fait sursauter. Elle le fixe, outrée, et soudain éclate de rire, tapotant son bras gentiment. Aller, calme-toi. On a pas le temps pour ça... Mais c'est vrai qu'il est lent, ce con. Elle soupire et pointe une place libre sur le bas-côté. Tiens, tu as une place ici. Elle préfère encore faire deux ou trois rues à pieds plutôt que de devoir s'arrêter parce qu'un conducteur un peu moins patient arrêtera sa voiture au milieu de la route pour venir chercher des noises à son petit ami qui, comme son air de bulldog d'un mètre quatre-vingt dix l'indique, n'est pas du genre paisible.

J'aimerais bien faire de la boxe, à vrai dire, même si je doute en avoir besoin à la fac, sauf si certains élèves préfèrent les vieilles noonas. Tu me mettrais en relation avec un bon prof ? demande-t-elle avec un petit ricanement au bord des lèvres.

C'est une drôle de discussion qui viens là. Jamais tu n'as imaginé, ne serait-e qu'un instant, echanger sur la boxe avec Syu. Vous parlez de beaucoup de chose, mais cette passion, aussi lointaine et sombre soit-elle pour toi... A toujours fait partie, inconsciement, de ton jardin secret. Après tout, cela te servait d'une, de couverture, de deux, d'exutoire, car, que cela ne tienne, tu restes et resteras le sac de nerf que tu es. Pour l'instant, vous papillonnez, et la situation ne semble pas être propice aux conflits, mais au fond de toit u sais que ce bonheur peu vaciller. tu n'es pas négatif, surtout pas pessimiste,... Mais il faut du temps pour changer les gens, et toi tu n'as pas du tout raccroché.

Un jour, tu auras des problèmes; c'est comme ça que va la vie, mais que serait ta vie si tu balayai tout ces éléments, ces options qui font de toi (et qui ont fait) l'homme que tu es aujourd'hui ? Non, ta vie, c'est tout de même les délit : n'oublie pas tes racines. L'apparence d'un homme père de famille te convient, mais tu as besoin de cette dose de défis que t'apporte tes activités - certes, elles ont diminuées pour certaines, et tu en envisage d'autre pour protéger Syu et Shin Bom. Mais cela prend du temps et ce n'est pas avec elle que tu vas en parler; moins elle en sait, mieux c'est... Et ne va pas t'imaginer que Skyler a bien fait d'apprendre l'activité de Walter White, très cher.

Tout le monde sait que je suis un homme battu. Dis-tu niaisement, sans vraiment comprendre l'allusion de Syu. Si elle a une arrière pensée, tu dois être à des kilomètres à la ronde de la saisir... Un peu comme ce débile qui vient une fois par semaine acheter des chips... C'est quoi son nom déjà ? Mongolito ? Bref. Reste concentré sur la route au lieu de raconter des bêtises, les accidents de la route parviennent dans des moments d'inattention. Mais dieu qu'il est mou le papy devant. Hors de question, je vais là ou je dois aller, il ne gagnera pas. Quelle idée de marcher, en plus avec ta voiture tu as la classe, pas question de marcher. Même si il fait beau. 3... 2... 1.. Le klaxonne de l'enfer retenti, par de multiples reprises. Aucun mot ne s'échappe pendant que la fanfare fanfaronne, mais, petit à petit, tandis que les passants fixent cette berline folle, la voiture se déporte afin de laisser passer le prince et sa princesse.

Tu vois ! Aiiish, pourquoi les gens achètent des voitures pour ne pas savoir les conduire tu marmonnes comme grincheux, mais tu as gagné gain de cause. Sans un mot supplémentaire pour le cas "débile au volant" tu t'engouffre dans l'avant dernière rue avant ta destination. Un autre clignotant, et juste une place là, à quelques mètres de la boutique qui fait les burgers gras (mais excellents). Le frein à main annonce officiellement that you're good to go.

Yah ! Espèce de... Ta lèvre se rebiffe, comme vexé par sa demande. Tu sais qu'elle rigole, tout comme tu ne cherches pas à l'insulter : c'est une expression que tu utilises beaucoup lorsqu'on te prend le chou. Dieu merci, une once du ton employé trahi tes talents médiocres de comédien. Tu vas descendre et manger toute seule. Je m'en vais. Et je vais retourner à la salle de sport. A peine crédible, tu ouvres ta portière, clés en main, pour poser pied sur le bitume. Faut dire que tu as faim et que tu as vu l'enseigne, donc difficile de resister. Bref. Tu la rejoint, tranquillement.

Tandis que vous vous engouffrez dans le restaurant type memphis, une serveuse vous place à une table pour deux exclusivement (bon près du passage mais au moins)... Un coup d'oeil au gamin qui gesticule sur le siège adjacent au tien. Un bref soupire discret... Tu sais, tu ne pourras me voir boxer qu'à la salle. Tu marques une pause en attrapant le menu. J'te l'ai jamais dit, mais je suis interdit de compétition maintenant. Y'a des gens interdits bancaires ou autre. Toi t'as pas le droit de concourir. Nul.